Numéro 4

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SOCIETE

L'art de la guerre

Il y a 3 ans avait lieu la plus grande bataille que le monde ait jamais connu - et probablement la plus grande que le monde connaîtra jamais.

Le fait est que depuis la prise du château de Brumevent par NetRunner et sa libération, l'art de la guerre a drastiquement changé, au point qu'il semble que l'époque des grandes batailles épiques soit désormais devenue une page de l'histoire irrémédiablement tournée.

Souvenons nous un instant de cette tristement célèbre libération de Brumevent. NetRunner avait pris possession du château avec ses sbires, aux rangs desquels un Seigneur Orc accompagné de ses plus valeureux guerriers, et brandissant la Hache d'Ananke : sans doute l'incarnation la plus incontestable du Mal absolu. Face à eux, une armée de libération, composée de soldats de l'Armée, des forces de Brumevent qui avaient pu s'échapper du château, de Templiers de la Baie, de membres de la Confrérie de la Lumière, et de tout ce qu'Odyssee compte comme guerriers luttant pour le Bien. Ces deux archétypes s'affrontèrent au cours d'un combat sanglant qui fit de nombreuses victimes, mais dont l'enjeu était clair, et dans lequel chacun joua le rôle qui lui était clairement assigné.

Ce manichéisme a quelque chose de primaire : certes, le monde n'est pas monochrome. Le Bien et le Mal sont des notions abstraites, et penser le monde uniquement en termes de Bien et de Mal, enfermer les être conscients dans ces stéréotypes, c'est nier la liberté de tout être conscient de soi, c'est nier la complexité de notre monde et de ses habitants.

Mais ce manichéisme avait également quelque chose de rassurant. " Avait ", car il n'est plus d'actualité. Les combats épiques, les longs sièges stratégiques, les batailles titanesques entre les forces du Bien et du Mal aux règles implicites, tacites, mais claires pour tous, ont étés remplacés par des escarmouches ponctuelles, rapides, chaotiques, dans lesquelles il est difficile de déterminer lequel des multiples adversaires en présence est le plus maléfique… Alors qu'autrefois, l'art de la guerre obéissait à un code d'honneur valable pour tous, désormais, ces règles sont obsolètes : la fourberie est de mise, les attaques en traître sont légion, les fuites hâtives sont monnaies courante.

Il était possible de parler d'un art de la guerre lorsque celle-ci était pratiquée dignement, lorsque les combattants respectaient leurs adversaires, qu'ils avaient conscience de la portée de leurs actes, de la gravité de la situation, et de la valeur de la vie. Mais au cours des dernières années, cet art s'est perdu. La guerre est pratiquée désormais par des gens sans honneur, sans respect pour leurs adversaires, sans conscience de la signification profonde de ce qu'est vraiment la guerre : un acte barbare mais qui, sous certaines conditions, se comprend, s'explique, et se justifie.

Ces conditions, aujourd'hui, ne sont plus respectées. Alors qu'autrefois, il existait un art de la guerre qui défendait des valeurs nobles - l'honneur, le courage, la bravoure, le respect - il ne reste plus désormais que la barbarie de la guerre, et son lot de lâchetés et d'ignominies.

Quand à ceux qui commettent cette barbarie, il est difficile de les distinguer. Il y a quelques années, lorsqu'un jeune homme partait s'enrôler dans l'armée, sa mère pleurait de tristesse, mais de fierté aussi pour ce fils qui allait devenir un homme fier, brave, respectant des valeurs morales inébranlables. Et lorsqu'un serviteur d'Ananke s'aventurait à proximité d'un village, ses habitants tremblaient d'effroi et craignaient pour leur vie. Et aujourd'hui, ce ne sont plus les suppôts d'Ananke qui sont la terreur des simples villageois, mais les soldats de l'Armée, dont les exactions sont toujours plus fréquentes et plus ignobles. Et les guerriers du chaos, au contraire, se font les défenseurs de la veuve et de l'orphelin, portant secours aux uns et aux autres.

Qu'avez-vous fait de notre monde manichéen, simpliste certes, mais dans lequel nous connaissions notre place et notre rôle ? Rendez-nous ce manichéisme. Rendez-nous ces batailles épiques, ces guerres sanglantes respectables, ces valeureux guerriers et ces immondes monstres démoniaques. Retrouvez l'art de la guerre.

La famille de Sancte : visionnaires ou utopistes ?

Alors que de par le monde, les épidémies de peste font des ravages, des guerres sanguinaires déciment les rangs de ceux qui s'y affrontent, le grand banditisme fait toujours plus de victimes sur les routes, et des monstres en tout genre terrorisent les populations, quelque part dans les montagnes, dans un lieu reculé accessible uniquement par un pont suspendu traversant un profond ravin, les frères de Sancte tentent de mener leur vie comme bon leur semble, en obéissant à leurs propres règles, qui sont bien éloignées de celles en vigueur la plupart du temps.

Et ils entendent bien faire partager cette vision du monde, et convaincre les sceptiques potentiels qu'il existe une alternative au recours systématique à la violence. C'est pourquoi ils ont organisé dans leur demeure un repas réunissant des convives provenant d'horizons divers et variés : elfes sombres, moines Kaïcha, marchands et artisans de Balamoun, prêtresse d'Ananke, libertine, chasseur... c'est un échantillon très varié qui a assisté au repas offert par le Vicomte Nepenthes de Sancte et son frère Nasnagol. Certains ont été invités directement par les frères de Sancte, et chacun ayant eu droit d'être accompagné par la personne de son choix, le résultat obtenu est une assemblée particulièrement eclectique.

Cette assemblée s'est retrouvée, une soirée durant, autour d'une même table, à partager la même nourriture, à converser ensemble alors qu'en d'autres circonstances, certains d'entre eux se seraient au mieux tout simplement ignorés, au pire sauté à la gorge pour en découdre par les armes.

Et c'est là l'aspiration des frères de Sancte. Bien que n'ignorant pas que la plupart du temps, la majorité des problèmes sont résolus par la violence, si tant est que la violence puisse résoudre quoique ce soit, ils croient fermement qu'il est possible, même pour deux personnes que tout oppose, d'emprunter une voie alternative, celle du dialogue et de la diplomatie.

Cependant, au vu du déroulement du repas, il est difficile de ne pas être sceptique. Chaque parole prononcée est le prétexte à un emportement, à des menaces, et une tension palpable s'installe entre certaines personnes, que rien ne semble pouvoir briser, pas même la profusion de mets raffinés présents sur la table, ni les multiples petits soins des hôtes et de Niels, leur intendant, pour leurs invités.

Le projet des frères de Sancte n'est pas aisé à mettre en place. Alors que même au Monastère, où Furrinus inflige en théorie son châtiment à quiconque fait usage de la violence, le recours à la violence ne peut pas toujours être empêché, comment de simples mortels peuvent-ils éspérer faire appliquer cette loi dans leur demeure ?

Malgré tout, le repas s'est déroulé sans accrochage physique, et l'animosité des uns envers les autres ne s'est pas exprimée autrement que par les mots - ce qui est en soi déjà un exploit. Reste à savoir si l'idéal de paix des frères de Sancte est une réalité viable, ou si leur expérience - intéressante au demeurant - n'est qu'une utopie vouée à l'échec. L'avenir seul pourra être juge.

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